Adonis : Chronique des branches / فروع المزمنة أدونيس

Publié le par antonio

Chronique des branches couverture

 

          Comme souvent,  ce recueil je l’ai acheté un peu par hasard, cela fait déjà plusieurs mois, en totale ignorance de la renommée de l’auteur.

             Il m’a fallu plusieurs tentatives de lecture avant de parvenir à m’approprier , partiellement, du sens de ces textes difficiles, probablement parce que dérangeants car, en même temps que les mots nous renvoient à notre intériorité, ils nous obligent à la confrontation avec l’autre jusqu’au point où le moi et l’autre se confondent, dans un jeu de miroirs diaboliquement déroutants.

             A noter la belle présentation de Jacques Lacarrière et l’excellente postface de la traductrice, Anne Wade Minkowski, qui nous donne quelques clefs historiques et qui ouvre son texte avec cet ancien poème trouvé lors des fouilles à Qassabine en Syrie, non loin du lieu de naissance du poète.

 

             J’ai un message et je te le dirai

             J’ai un ordre et je le répéterai

             C’est le message de l’arbre

             Et le chuchotement de la pierre

             Le gémissement des cieux avec la terre

             Et de l’océan avec les étoiles

             Je créerai l’éclair pour que tu instruises les cieux

             Que tu fasses connaitre aux hommes le message

             Et que tu le fasses comprendre

             Aux foules qui peuplent la terre *

 

   *extrait d’un poème traduit de l’ougaritique par Charles Virolleaud et cité dans Ras-Shamra, ruines d’Ugarit, Beyrouth, 1954

     Pour les amis lecteurs de langue arabe j'ai reporté la photo du texte tel que calligraphié par l'auteur

 

أورفيوس ميرور

 

MIROIR POUR ORPHÉE

 

Ta lyre mélancolique, Orphée,

Ne peut changer notre levain.

Elle ne sait façonner pour la bien-aimée captive

Dans la cage des morts

Un lit d'amour alangui,

Ni bras ni tresses.

 

Orphée, il meurt, celui qui doit mourir,

Le temps qui court dans tes yeux

Trébuche, et entre tes mains

Se brise la lyre.

 

Je te vois maintenant, tête qui glisse

Entre les rives.

Toute fleur est chant

Et l'eau une voix.

 

Je t'entends maintenant, je t'aperçois,

Ombre libérée de son orbite

Inaugurant l'errance.

 

                 Page 13

 

Adonis miroir pour Orphée

 

طريق

 

LA ROUTEChronique des branches couverture 4me

La route est une femme

Qui a mis la main du voyageur

Dans celle de l'amant,

A rempli la paume de l'amant

De nostalgie et de coquillages,

 

                                                  Une femme,

                                                  Un rêve qu'une femme

                                                  a transformé

 

En barque étroite comme l'aile,

Revêtue de la rose des vents,

Oublieuse de son port.

 

            Page 15

 

Adonis la route

الحجارة

Les Pierres

                                III

 

Pierre qui protège le sein de la femme enceinte.

Pierre qui s'enivre,

Titube dans les cils du poète

Et devient tourterelle

Couchée dans les cils du poète.

Pierre qui veille et devient

Tenture suspendue autour du front du poète,

Devient nuage ...

                                IV

Guide-le, ô nuage,

Il ignore comment marcher, ô nuage,

Dans la spirale des ténèbres,

Et quand il s'élancera vers la lumière

Sur le versant secret dans la patrie du verbe,

Plus innocent que l'innocence de l'oiseau,

Un coup de fusil viendra l'abattre.

 

            Page 37

Adonis les pierres III et IV

 

 

مرآة المسار

فروع المزمنة

 

                            MIROIR DU CHEMIN,

                      CHRONIQUE DES BRANCHES

 

                                          I

Non pas l'estuaire des miroirs,

non pas la rose des vents.

Toute chose est une aile

ascendante dans mon sang,

dans les champs,

nageant dans l'orbite des saisons.

 

             J'ai fait de mon visage le frère de l'herbe

             et mes pas se sont livrés à la nostalgie

             des miroirs.

             J'ai vu les éléments pleurer, ouvrir

             entre nous la blessure fraternelle.

             J'ai reconnu le signe attestant

             que je suis prélude à l'annonciation,

             plante de l'Orient au jardin de la prophétie.

 

 

Page 47

 

Adonis miroir du chemin chronique des branches page 47

                                  IV

- D'où viens-tu ?

- De la terre des morts, des jarres de larmes,

et jamais je n'ai habité de maison.

Lorsque je suis descendu dans un cimetière

et que le soleil s'est enroulé autour de ma cheville,

telle l'herbe grisante,

j'ai apporté à la faim ses offrandes.

Mon sang était libation en partance

pour un autre lendemain,

ma main était encensoir,

et à l'entrée du cimetière comme à sa sortie

je n'ai trouvé que des enfants.

Ils étaient la promesse d'une terre gravide,

ils étaient la marée, les vagues et les cascades.

 

 

                 Page 85

 

Adonis miroir du chemin chronique des branches page 85

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R
<br /> Tu nous fait découvrir de belles choses!A presto,Antonio.<br />
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F
<br /> Ami Toine,<br /> <br /> <br /> Comme l'écrivait ce Gentelman écossais "David Hume":<br /> <br /> <br /> La beauté n'est pas une qualité intrinsèque des choses ou des Êtres. Elle n'existe que dans l'esprit de celui qui les contemple.<br /> <br /> <br /> Cette pensée est valable aussi bien pour la nature que pour la femme.<br /> <br /> <br /> Amicalement. FAJ<br />
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T
<br /> l' éternelle question de notre place dans la nature, de ce que nous devons y faire !<br /> <br /> <br /> Un optimisme relatif, si ce n' est celui des enfants !<br /> <br /> <br />  bonne semaine Antonio<br /> <br /> <br />  amitié<br />
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