Amour au tournant d'une scolopendre (suite 10)

Publié le par antonio

Des mots, une histoire n° 64

De Olivia Billington

Les mots imposés sont en bleu.

Au bas de la page les liens avec les épisodes précédents

 

fougere scolopendrium     C’est dans des circonstances comme celle que Jean venait de vivre, que l’on se rend compte de l’incomparable capacité de vitesse du cerveau humain.

     Jean n’avait pas encore repris son souffle, Marthe n’était pas encore parvenue à la porte de sa chambre, Augustin n’avait pas encore eu le temps de débuter la première question de la série  dont il imaginait déjà l’anaphore, que son cerveau lui avait fait faire un tour à destination de toutes les églises qu’il connaissait, l’avait fait s’agenouiller devant chacun des tabernacles et prié Dieu pour qu’il trouve la formule inspirante qui lui permettrait d’éviter, avec diplomatie, le piège que ce terrible gamin allait lui tendre avec la candeur innocente propre aux adolescents.

     Un sentiment de solitude s’était abattu sur lui à la vitesse de la faux du moissonneur, mais sans l’image ensoleillée qui l’accompagne habituellement. Voilà, la question assassine allait sortir de la bouche de l’enfant et, qu’elle ne fut sa surprise, en entendant :

     « Est-ce que vous pouvez me dire comment vous avez fait pour écraser la scolopendre ? »

     Il s’en fut de peu pour que l’on entende un ouf de soulagement sortir de la poitrine de Jean dont la vocation à la pédagogie enfantine était restée à l’état plus qu’embryonnaire ! Son inquiétude apaisée, il reprit de loin :

     « Hier soir, alors que je me trouvais sur le parvis de la gare, que surement tu connais, j’ai aperçu une femme qui avait l’air d’attendre une voiture ou quelqu’un. Comme il n’y avait ni voiture ni âme qui vit en vue et qu’il faisait mauvais et presque nuit, je me suis approché et je lui ai demandé si je pouvais lui être utile. Comme elle n’avait pas de nouvelle de la personne qui devait la chercher, elle a accepté ma proposition de l’accompagner jusqu’ici d’autant que c’était aussi ma direction. »

     « Cà, çà ne m’étonne pas de Lucien ! » ponctua Augustin

     « Ah bon ?! »

     « Vous demanderez à Marthe combien de fois il lui a déjà fait le coup, mais elle lui pardonne toujours tout et il en profite pour crier victoire. Mais alors, alors la scolopendre… »

     « C’est en repartant après le diner et le café… »

     « Seulement le café ? » l’interrompit Augustin d’un ton malicieux.

     « Donc c’est en repartant, reprit Jean feignant l’indifférence, qu’en voulant faire demi-tour j’ai glissé et la voiture a fini par arriver là où tu l’as vue. »

     « Et Marthe ne vous pas engueulé ? Elle qui ne supporte pas qu’on approche de cette plante même avec des escarpins aux pieds ! »

     « Non, finalement nous avons éclaté de rire. »

     « Oh çà alors, c’est qu’il y avait déjà quelque chose », lança Augustin avec un ton de sous-entendu qui n’aurait pas du être de son âge !

     Jean aurait bien voulu lui répondre : « Tu veux que je te fasse un croquis ? » mais il reprit de l’altitude et continua. « Comme je ne pouvais pas repartir, Marthe m’a proposé de rester dormir ici. »

     « Bref comme si c’était des vacances » ajouta immédiatement Augustin toujours aussi malicieusement. « Et est ce qu’elle vous a fait dormir sous l’escalier ? »

     Voilà, la question qu’il craignait le plus était arrivée.

     « Eh bien Augustin, c’est ainsi que tu t’imagines Marthe ? »

     « Bien sur que non, mais c’est la seule chose que j’ai pu imaginer en voyant dans quel état vous avez mis l’énorme pyramide de cartons qui l’encombrait ! »

     « Je vois que tu connais bien la maison ! »

     « Oh que oui ! Lucien appelle Marthe madame Parcimonie, car elle ne jette jamais rien sous prétexte que cela peut toujours servir alors que lui il se débarrasse de tout ce qu’il peut. »

     Pendant tout ce temps les deux étaient restés assis autour de la table. Avant de répondre, Jean se dit qu’il était arrivé le moment de s’accorder un bref répit.

     « Attend Augustin, je vais d’abord refaire un peu de café » Et aussitôt il se leva et, tout en marchant vers la cafetière, il se disait que le gamin prononçait le nom de Lucien avec naturel, sans impuretés d’esprit dans la phrase et que, en l’entendant, il n’éprouvait plus le même pincement de jalousie qu’auparavant.

     Il revint s’assoir à la table après qu’il eut mis en route le breuvage.

     « Augustin, on fait un pari ? »

     « Ah, Marthe vous a déjà collé le virus ! Et on le fait comment ? »

     « Disons que si tu réussis, c’est moi qui continue l’histoire ; si non, ce sera Marthe »

     « Vous êtes dur avec moi, mais bon on essaye. »

     « Alors va à la table du salon, prend un morceau de papier ou de journal et dessine moi une esperluette. »

     Augustin fila joyeusement, trouva le nécessaire, revint à la table, traça une image en se cachant puis, se tournant vers Jean, « Vous avez perdu » dit-il en lui mettant sous les yeux le symbole &.

Sceau1

 

 

A.S. 10.05.2012

Des mots une histoire

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Publié dans Récits

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V
<br /> ah l'anaphore préférée des enfants : "Dis pourquoi..."<br /> <br /> <br /> et jamais ils ne lachent avant d'avoir eu la réponse ;-)<br /> <br /> <br /> j'ai bien aimé (entre autres " la vocation à la<br /> pédagogie enfantine était restée à l’état plus qu’embryonnaire ! "<br />
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A
<br /> <br /> Comme tu le soulignes il y a des naissances potentielles qui restent au congélateur!<br /> <br /> <br /> Merci à toi<br /> <br /> <br /> <br />
J
<br /> Trsè fort, un feuilleton ET l'utilisation de tous les mots ! <br /> <br /> <br /> J'aime bien la manière dont l'enfant arrive à ses fins...(parce-que bon, il savait omù il allait le filou...hein ?)<br /> <br /> <br /> vite, la suite !<br /> <br /> <br /> (et en attendant je pars lire les autres pour être au diapason...)<br /> <br /> <br /> bonne journée<br />
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D
<br /> Coucou, me revoiloù!!!<br /> Difficile de reprendre la route des blogs, j'avais oublié le temps que cela pouvait prendre dans une journée!!!<br /> Mais pour certains, comme toi, cela en vaut le détour et donc je ne compte pas!!!<br /> J'ai été gâtée par une semaine très chaleureuse, dans tous les sens du terme, soleil, rencontres et amitié, que du bonheur!!!<br /> Je te souhaite une très belle semaine riche de tous ces ingrédients!!!<br /> Gros bisous.<br /> Domi.<br /> <br /> <br /> ps : comme d'habitude j'arrive après la bataille, mais les mots proposés m'inspirent beaucoup donc je vais m'y coller très vite au risque de déplaire encore une fois à ceux qui ne pensent pas<br /> comme moi mdr!!! Mais je promets de le faire dans le respect de chacun hihi!!! Encore bravo pour ton histoire !!!<br />
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A
<br /> <br /> Bon retour Domi et ravi de te savoir en pleine forme!<br /> <br /> <br /> Antonio<br /> <br /> <br /> <br />
F
<br /> Bonjour Antonio<br /> <br /> <br /> Je lis cette histoire comme un roman<br /> <br /> <br /> et je elis cette page pour mieux comprendre<br /> <br /> <br /> avant le pochain...épisode<br /> <br /> <br /> Bon samedi<br /> <br /> <br /> Frieda<br />
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A
<br /> <br /> Merci Frieda pour cette fidélité à Marthe et Jean.<br /> <br /> <br /> Beau dimanche!<br /> <br /> <br /> Antonio<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> On arrive enfin au sujet crutial " comment la scolopendre a été écrasée ?". finalement Jean s'en sort bien.<br /> Jusqu'à présent. Il est amlin, le gamin.<br /> Le suspens est à son comble, vite la suite. <br />
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A
<br /> <br /> Cà avance cà avance!!!!!<br /> <br /> <br /> <br />