Journal de bord un peu loufoque (5)
Pour la compréhension : j’avais été invité par un grand ami à passer quelques jours sur son bateau en compagnie aussi d’un autre couple, ami très proche de l’hôte ainsi que de moi-même. En me confiant la tenue du journal de bord, je suis sur qu’ils ne s’attendaient pas à une stricte observance des règles en la matière. En voici le résultat
27.05.2006 Capraia
Ce matin nous ne nous sommes pas levés au son du clairon, mais presque. En effet, la journée s’annonçant rude (il était convenu que Capitaine DeDe, adjointe NaNa, compagne Hermine, chevalier Milo, dame Mimi et moi-même Antoine, adjoint d’adjoint soyons prêts pour 9h30 afin de gravir la redoutable côte qui mène à l’ancien pénitencier) il fallait impérativement respecter, pour une fois, le plan de guerre.
Entretemps adjointe NaNa et compagne Hermine avaient à réaliser les tomates et poivrons farcis que notre surveillant en chef, Maître Queue Hans, aurait du enfourner plus tard pour qu’ils soient fin prêt à notre retour.
L’expédition, préparée d’ailleurs dans le plus grand secret afin d’éviter la presse et les plébéiens bains de foule que si peu siéent à notre incommensurable humilité, se mit en route à l’heure dite.
Bien entendu, vues les conditions de la préparation, il nous manquait les porteurs et Chevalier Milo qui, en dernière minute, avait opté pour un soi disant safari photo dans la casbah de Capraia le haut.
Tout en prêtant foi à sa sincérité, nous ne pûmes pas nous empêcher de penser à quelques rendez-vous secrets surtout que, comme relaté dans ce journal de bord, nous avions appris depuis peu les soins méticuleux à base de déridium qu’il apportait à son armure et à ses attributs, outils indispensables de ses missions !
Depuis le pont, Maître Queue Hans nous regardait discrètement, une larme farouchement accrochée au visage et ce nonobstant que cet air indécent ne fasse pas partie du répertoire rock-folk-country et encore moins de celui de Johnny.
Les premiers lacets de la périlleuse montée furent gravis d’un pas alerte : déjà nous pouvions admirer la grandeur de paysage à couper le souffle. Et ce n’est pas seulement une expression imagée. A ce moment nous pûmes aussi admirer la ténacité de capitaine DeDe qui, à court de préparation physique, dut ralentir la cadence à cause du souffle coupé, mais tint tête valeureusement à l’hostilité des éléments et, après un court moment d’analyse des données, adapta ses moyens au milieu ambiant et reprit l’ascension avec une ardeur quasi juvénile.
Il ne manquait que quelques points d’acné sur le visage pour que nous puissions croire qu’il s’agissait carrément d’une autre personne ou alors d’un remplaçant secrètement caché dans les anfractuosités de cette si belle montagne.
Après environ 1h30 nous parvînmes aux abords du pénitencier. Une halte s’imposait pour permettre à nos physiques éprouvés de reprendre quelques forces. Ce fût à ce moment que le drame fut évité de justesse grâce à la rapidité d’esprit de Dame Mimi et surtout de ses qualités vocales qui s’exprimèrent dans un terrifiant AH AH !!!!!!! à l’approche d’une nonchalante vipère lorgnant goulument les beaux et incomparables mollets de Dame Mimi.
A ce moment nous nous serrâmes tous dans un élan de camaraderie et prîmes conscience de toutes les difficultés que nous venions de surmonter. Nous reprîmes l’escalade avec une vigueur renouvelée.
Au loin nous entendions les bêlements des chèvres sauvages qui appelaient adjointe NaNa, compagne Hermine et Dame Mimi à la désertion pour les rejoindre dans les escarpements de cette rude montagne dont les anfractuosités recélaient vraisemblablement quelques beaux spécimens de béliers, afin qu’elles puissent prendre quelques répits des assauts répétitifs de ces ogres de sexe.
Mais Adjointe NaNa, compagne Hermine et Dame Mimi restèrent sourdes à ces chants de sirènes !
Nous ne pûmes atteindre le sommet qui nous aurait permis de jeter notre regard sur l’autre coté de la mer, cet endroit par où passent toutes les libertés, car nos engagements culinaires nous rappelaient à l’ordre et il convenait de les honorer sur le coup de 12h30.
Et ce fut pratiquement à la minute près que nous nous présentâmes à bord du Home 2, un joli bouquet de fleurs sauvage en main (amoureusement cueilli et arrangé par NaNa) pour faire honneur à l’apéritif si soigneusement organisé par Maitre Queue Hans.
Ce journal de bord étant une réalité teintée d’un brin de fantaisie, je ferais abstraction des heures qui nous séparent du midi au soir car ce ne fut que de l’ordinaire administration qui peu sied aux enjolivements d’adjoint d’adjoint Antoine.
Une table était réservée pour nous à la Garitta pour 20 heures. Maître Queue Hans y fut conduit par porteur spécial Volkswagen et quelque chose, sous les ordres du sieur Bellami, plongeur pécheur en apnée de son état et accessoirement champion du monde. Le restant de l’équipe parvint à ce lieu de délices par ses propres moyens.
Vino bianco di Aiola, Morellino di Scansano, acciughe marinate, misto di mare, frittura di paranza, tagliatelle alla carbonara, calamari alla griglia, le tout accompagné de patatine al forno, ce furent les boissons et les mets qui nous régalèrent.
A notre sortie de cet endroit d’agréable perdition, rendu encore plus agréable par la généreuse invitation de compagne Hermine, un orchestre nous attendait au pied du château en ruine pour nous saluer. Nous le dédaignâmes et prîmes le chemin du retour sur le parcours duquel notre ami Maître Queue Hans put admirer la vue époustouflante du port de Capraia by night.
A notre arrivée un autre orchestre roumeno-saoul-gypsy entama petite fleur en hommage aux trois roses qui avaient parfumé notre soirée de leur inégalable drôlerie.
Ah quelle journée bien remplie !!!!!
. A. S. 21.10.2011