Les morts et la terre de Nicola Moscardelli
Ici au Cameroun, à Yaoundé, ville de presque deux millions d’habitants, il n’y a pratiquement pas de cimetières. Ceux que je connais ne correspondent pas à l’importance de la ville, tout juste quelques dizaines de sépultures ici ou là.
La tradition veut que chaque défunt retourne à sa terre, dans son village où il est souvent inhumé près de la maison familiale. Le retour et les obsèques sont célébrés avec une multiplicité de rites, selon les ethnies, et pratiquement tous les villageois y participent (voir l’article ENTERREMENT A BAHAM ).
C’est en réfléchissant à cette tradition, que m’est venu en mémoire ce texte de Moscardelli. Du reste lui-même, à dix ans de distance de sa mort (Rome 1943), revint au pays natal.
Bien sur aujourd’hui le cimetière de Ofena n’est plus comme autrefois quand, enfant, je marchais soigneusement entre les sépultures pour aller déposer un bouquet de chrysanthèmes sur la tombe de cette ou cette autre personne de la famille, mais le sens de la prose poétique de Moscardelli ne change pas.
Nota : dans beaucoup de cimetières italiens il n’y a presque plus de tombes au sol. Elles ont été remplacées par des cellules horizontales empilées dans lesquelles on glisse le cercueil.
Les morts et la terre
La présence des morts sanctifie la terre. Là où ils fermèrent les yeux au jour mortel, notre âme les ouvre. Ils nous font naître une deuxième fois ici-bas : la première est là où nous naquîmes : la deuxième là où nous priâmes sur la sépulture à peine recouverte.
Nous tous nous aimons être nés là où nous sommes nés. Mais tous nous avons en notre cœur un lieu privilégié dans lequel nous voudrions mourir et dormir.
Il y a dans l’esprit de chacun une vallée solitaire, abritée des vents, veillée par quelques arbres immobiles, où en pensée nous creusâmes notre tombe pour y garder nos restes osseux.
Port de notre âme, la vallée solitaire où enfin nous amènerons les voiles.
Et nous entendrons, sous la terre, fleurir le printemps : et le murmure des racines qui montent, des bulbes qui s’ouvrent sera, dans le grand silence, un concert de voix qui chanteront en mille chants un seul chant, en mille manières une louange.
Notre allégresse sera alors si grande que, dès maintenant, elle dépasse toute autre joie.
Et peut-être dans la blanche fleur à peine éclose, on reconnaitra notre visage nimbé de ciel.
Ci-après le lien avec le texte en italien
I morti e la terra di Nicola Moscardelli
Photo en haut: la route qui mène au cimetière de Ofena
Photo en bas: cimetière près de la basilique Mvolyé à Yaoundé
..