Michel-Ange: trois sonnets à la nuit
J’ignorais totalement que Michel-Ange ait écrit des poèmes.
C’est en étant accroupi devant le rayon poésie de la Fnac à Strasbourg ( un mélange hétéroclite de livre de poésie mais aussi de romans, donc un rayon réellement indigne d’un grand distributeur tel que la Fnac) que je suis tombé sur cet opuscule que j’ai immédiatement mis sur la pile que je tenais entre les bras en me disant que, venant d’un tel auteur, ça ne pouvait pas être mauvais.
Mais il se peut aussi qu’une certaine curiosité du style people m’y ait poussé après une rapide lecture, toujours accroupi devant le rayon, de quelques sonnets faisant clairement état de ses amours interdits, en ce temps là.
Je reviendrais sur ce livre dès que j’aurais pu me procurer l’édition en langue originale de ces poèmes, mais en attendant, il me plait de partager avec vous ces trois sonnets à la nuit.
XLIV
SONNET SUR LA NUIT
Lorsque Phébus cesse d'étendre et d'enrouler
autour de notre globe humide et froid ses membres
de lumière, la foule tient à nommer nuit
ce soleil qui résiste à son entendement.
Débile, elle l'est tant que, pour peu qu'on allume
la moindre torche, celle-ci lui prend la vie
alentour; et de même, elle est si délicate
qu'une amorce aisément la déchire et la fend.
Si l'on veut qu'elle soit quelque chose, pour sûr
elle est la fille du soleil et de la terre,
car l'une porte l'ombre, mais l'autre la crée.
Quoi qu'elle soit, il erre, celui qui la loue:
c'est une veuve ténébreuse et si jalouse
qu'une luciole suffit à l'alerter.
XLV
SONNET À LA NUIT
Ô nuit, ô temps suave bien qu'obscur, ta paix,
pour finir, a toujours raison de tout labeur;
qui t'exalte a l'œil bon et l'entendement sain,
c'est un esprit sans faille qui te rend honneur.
A toute pensée chagrine tu coupes court:
l'ombre rafraîchissante et paisible l'assume ;
et souvent d'ici-bas jusqu'aux nues tu m'emportes
en songe où j'ai l'espoir de parvenir un jour.
Ô ombre de la mort dans laquelle s'apaise
toute détresse d'âme dont pâtit le cœur,
pour l'affligé, suprême et bienfaisant remède;
tu guéris notre chair infirme, essuies nos pleurs,
nous délasses de nos fatigues et soulages
les justes de toute colère et tout ennui.
XLVI
AUTRE SONNET SUR LA NUIT
Tout lieu clos, tout endroit couvert, tout site enfin
que la matière circonscrit, protège
la nuit, aussi longtemps que le jour se maintient,
des jeux éblouissants qu'invente le soleil.
Mais quand elle est vaincue par la force du feu,
le soleil, ou quelque lumière plus chétive,
s'attaque à sa divine apparence et l'en prive -
si bien que même un ver l'entame quelque peu.
Ce qui reste accessible au soleil et fermente,
faisant germer ainsi mille graines et plantes,
le rude laboureur l'ouvre avec son araire;
Mais l'ombre, c'est à planter l'homme qu'elle sert;
ce pourquoi les nuits sont plus saintes que les jours,
l'homme, entre tous les fruits, ayant valeur première